Soyons réalistes : si l’on établissait un classement des secteurs les plus divertissants en matière de publicité, le secteur bancaire se classerait probablement parmi les derniers, mais ces dernières semaines, Banco Sabadell et BBVA nous ont prouvé le contraire grâce à une guerre publicitaire comme on en voyait autrefois, avec tout ce que cela implique en termes de concurrence acharnée et de clins d’œil au spectateur.
BBVA vs Sabadell : costume, cravate… et munitions créatives
Ce qui semblait impensable dans le secteur bancaire — ce ton provocateur que nous avons vu dans des batailles mythiques telles que Coca-Cola contre Pepsi ou McDonald’s contre Burger King — commence à s’immiscer dans le secteur financier. BBVA et Sabadell se sont lancés dans une lutte qui va au-delà des taux d’intérêt ou des conditions hypothécaires: ils se disputent le discours et l’attention du consommateur.
Cette initiative est risquée, mais elle est également révélatrice : si même les banques décident de se lancer dans la bataille publicitaire, c’est parce qu’elles ont compris que les gens veulent du spectacle, pas de solennité. Et que dans un marché saturé de promesses similaires, la différenciation ne se gagne pas seulement dans les résultats financiers, mais aussi dans la créativité et la capacité à créer un lien émotionnel avec le public.
L’OPA comme élément déclencheur
L’origine de cette rivalité ne réside pas dans une publicité, mais dans une opération corporate de grande envergure: l’OPA lancée par BBVA sur Sabadell. Ce qui semblait au départ être un bras de fer financier entre cabinets d’avocats et titres boursiers s’est transformé en quelque chose de bien plus juteux: un spectacle médiatique qui a propulsé les banques à la une des journaux… grâce à leurs campagnes publicitaires.
Pour ceux qui ne sont pas très au fait des mouvements entrepreneuriaux, une OPA hostile consiste à faire une offre publique d’achat directement aux actionnaires d’une autre société sans l’accord préalable de son organe d’administration ou de son conseil d’administration, ce qui se traduit par une tentative d’acquisition d’une autre société en achetant la majorité des actions.
Dans cette lutte acharnée pour atteindre son objectif, BBVA a été le premier à sortir des bureaux et à informer le grand public de ce qui se passait.
Le premier coup: BBVA
BBVA a ouvert le feu en novembre 2024 avec la campagne «Avanzamos» (Nous avançons), destinée aux actionnaires de Sabadell. Le message était clair: progrès, avenir et croissance partagée. Cette initiative n’a pas été bien accueillie au siège de Sabadell, qui a décidé de porter plainte auprès d’Autocontrol. Cependant, la plainte a été rejetée, laissant l’impression que le géant bleu avait marqué le premier but.
La contre-offensive: Sabadell
La réponse ne s’est pas fait attendre. Avec «Pouvoir choisir, c’est votre pouvoir», Sabadell a fait appel à la fierté de l’indépendance et au droit de décider. Bien qu’il ne mentionne jamais directement BBVA, la référence est évidente. Et au cas où il subsisterait des doutes, il a renforcé le message avec des éléments plus directs, comme sa récente action «Mettre les points sur les i», qui ne mâche pas ses mots.
BBVA a riposté à son tour avec une autre plainte, qui a également été rejetée. Résultat: un ping-pong publicitaire qui rappelle les anciennes guerres entre marques.
Deux styles opposés
Au-delà des dénonciations, ce qui est fascinant, c’est la manière dont chaque banque a rédigé son récit :
- BBVA: se positionne comme la banque du futur. Elle parle de progrès, d’innovation et de modernité. Son discours est optimiste, presque inspirant: «grandissons ensemble».
- Sabadell: fait appel à l’émotion et à l’identité. Défend l’indépendance, la fierté de ce qui lui appartient et la capacité de choisir. Joue avec la proximité et le sentiment d’appartenance comme armes de fidélisation.
C’est dans ce contraste que réside le véritable intérêt: deux visions opposées du secteur, deux façons de séduire le public.
Maintenant que nous savons comment ils ont abordé leur créativité, il est temps de parler de leur campagne télévisée. Quelle stratégie ont-ils suivie?
La télévision comme porte-voix généraliste
Si nous analysons la présence télévisuelle des deux marques au cours de cette année, nous pouvons constater des différences notables dans leur stratégie.
En ce qui concerne les messages institutionnels, BBVA a maintenu une pression constante tout au long de l’année, l’intensifiant en septembre et octobre, les mois les plus proches du vote sur l’OPA hostile.
De son côté, Sabadell affiche un profil plus discret, se concentrant principalement sur la Catalogne, son territoire le plus important. Cependant, tout comme BBVA, il a intensifié sa campagne au niveau national en septembre et octobre, soulignant ainsi l’importance cruciale de cette période pour les deux banques.
En observant la présence télévisuelle de ces deux derniers mois, nous constatons un changement clair dans la stratégie de Sabadell, puisque son investissement principal s’est concentré sur les groupes Atresmedia et Mediaset, où il n’était pas présent les mois précédents. Cependant, le renforcement réalisé par BBVA avec le lancement de sa campagne reste supérieur, ce qui indique clairement que son investissement a été beaucoup plus important.
Ce schéma se répète si l’on se concentre sur les tranches horaires: le Prime Time a été le moment où les deux marques ont exercé la plus forte pression, obtenant des niveaux qualitatifs élevés tant dans cette tranche horaire que dans le positionnement général. Une fois de plus, c’est BBVA qui a réalisé le plus gros investissement et qui a donc bénéficié d’une présence et d’une qualification accrues.
Cet investissement accru de la part de BBVA se reflète également dans la durée des spots publicitaires. Alors que Sabadell travaille avec des spots de 20 secondes, BBVA a opté pour des spots de 30 secondes, ce qui correspond probablement à une recherche d’une plus grande connexion émotionnelle.
Quel a été le résultat?
Même si cette bataille semblait équilibrée, la campagne menée par Sabadell semble avoir été plus convaincante, puisque seulement 25,33 % de ses actionnaires ont voté en faveur de la vente de leurs actions. L’opération financière n’a donc pas abouti.
L’indépendance de la Banco Sabadell a été très applaudie par ses employés, qui ont accueilli son président, Josep Oliu, comme un véritable héros populaire, sous les applaudissements et les chants de soutien.
Il nous reste maintenant à savoir si cette « guerre » publicitaire que nous avons connue se reproduira dans le secteur bancaire, car elle a permis de rapprocher ce qui se passait du grand public, nous rendant tous participants, même si nous n’avions aucune connaissance du secteur.